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Covid 19 & quartiers populaires : lorsque les inégalités tuent. Lettre d’information n°43 avril 2020

15 Avr 2020 | Lettre d'information, Lettres publiques, Publications

Paris, le 14 avril 2020

Retrouvez notre tribune sur le site de Médiapart : https://blogs.mediapart.fr/groupe-fdg/blog/140420/covid-19-quartiers-populaires-lorsque-les-inegalites-tuent

La crise sanitaire met tragiquement en lumière la paupérisation organisée de notre service public de santé, dénoncée depuis longtemps par les soignant·es. Elle est aussi un puissant révélateur des inégalités sociales et territoriales de notre pays, singulièrement de l’Île-de-France. Des inégalités qui n’ont cessé de s’accentuer sous l’effet des politiques néolibérales des gouvernements successifs.

L’Ile-de-France est, désormais, l’épicentre de la pandémie en France. On y dénombre plus d’un quart des décès et des personnes hospitalisées en réanimation de notre pays. Si la forte densité de population francilienne l’explique, il est certain que la bataille nationale contre le Covid 19 se joue de manière décisive en Ile-de-France. La façon dont les pouvoirs publics y juguleront cette situation sanitaire gravissime déterminera l’après confinement pour tout le pays.

« Front sanitaire et front social : des luttes indissociables dans ces territoires minés par les inégalités »

Contre cette pandémie, les luttes sur le front sanitaire et sur le front social sont donc indissociables. Elles le sont encore plus dans les territoires minés par les inégalités, où l’État et ses services publics n’ont cessé de reculer et où l’égalité républicaine n’est plus qu’une promesse vague et lointaine. Les habitants des quartiers populaires, de tous âges, sont particulièrement affectés par l’épidémie de Covid 19. C’est en premier lieu le cas en Seine-Saint-Denis, qui est le département francilien le plus touché, avec en mars dernier une surmortalité de 62 %, dont une surmortalité chez les moins de 65 ans de 55,5 %.

 

Si les habitant·e·s des quartiers populaires sont ainsi touchés, ce n’est pas, contrairement aux allégations obscènes du préfet de police de Paris, par refus de se plier aux règles du confinement. Mais d’abord parce qu’ils sont, de par leurs faibles revenus, les plus exposés à la crise structurelle du logement en Ile-de-France. Le confinement dans des logements exigus et surpeuplés, où la mise à distance du virus relève de l’impossible, est dévastateur. D’abord aussi parce qu’ils occupent les métiers les plus exposés au risque de contamination (mais également au stress et à l’insécurité liés à ce risque) : aides-soignant·e·s, infirmier·ère·s, caissier·ère·s, livreur·se·s, agents d’entretien, de sécurité… Ce sont toutes celles et tous ceux dont Emmanuel Macron disait qu’ils « ne sont rien », et dont on voit bien à présent qu’ils sont tout, qu’ils font tenir notre pays, mais ceci au prix de leur santé, voire de leurs vies. D’abord, encore, parce que ces territoires sont trop souvent sous-dotés en infrastructures médicales, ce qui dans ce contexte retarde dangereusement les prises en charge des malades. La Seine-Saint-Denis est ainsi, depuis longtemps, le premier désert médical français.

« Agir sans attendre pour répondre aux besoins des habitants et salariés des quartiers populaires »

Agir contre les inégalités c’est donc, sans attendre, répondre aux besoins de ces habitants et de ces salarié·e·s.

C’est stopper immédiatement les activités économiques non indispensables pour ne plus exposer à la contamination leurs salarié·e·s.

C’est fournir en masse les protections nécessaires pour celles et ceux des secteurs de première nécessité : masques, gel hydroalcoolique, gants, etc.

C’est renforcer les moyens des centres de santé locaux, essentiels dans les quartiers populaires.

C’est, pour les familles, débloquer des aides sociales d’urgence destinées à l’alimentation, mettre en place des banques ou tickets alimentaires pour pallier les fermetures de cantines scolaires. C’est agir pour garantir une continuité alimentaire à tous les enfants et leurs familles, ainsi qu’à tous les étudiants dont la précarité alimentaire s’aggrave avec le confinement.

C’est déployer des moyens pour les initiatives solidaires locales prises par les associations humanitaires et de solidarité, jusqu’aux plus petites, qui accompagnent au quotidien les habitants et leurs enfants. C’est les accompagner par des fonds d’urgence, mais aussi par la création d’emplois associatifs aidés, qui sont utiles et qualifiants.

C’est répondre aux fractures en matière d’éducation, par l’aide au soutien scolaire, la fourniture de matériel numérique gratuit et le raccordement au réseau internet. C’est oser dire que la continuité pédagogique ne peut pas se faire avec les mêmes moyens partout sur le territoire. C’est augmenter le nombre de personnels d’éducation pour la reprise. C’est mettre en place un moratoire sur les cartes scolaires qui prévoyaient des suppressions de classes.

C’est, en matière de logement, travailler avec les bailleurs sociaux pour aider au paiement des loyers des locataires en difficultés financières, mettre en place une suspension des loyers pour les ménages les plus fragilisés et étaler ces payements sans pénalités.

C’est intervenir auprès des EHPAD, de leurs occupants comme de leurs personnels qui, pour la très grande majorité, sont issus des quartiers populaires.

C’est aider les occupants des Foyers de migrants, notamment les retraités qui, touchés par la maladie, en situation précaire alors qu’ils ont passé leur vie à travailler en France, doivent bénéficier du même accès aux soins que tout autre citoyen.

C’est soutenir l’activité de nombreuses PME-PMI, TPE-TPI, mais aussi des structures de l’économie sociale et solidaire, qui prennent actuellement des initiatives utiles pour produire des biens de première urgence, tout en préservant l’emploi. C’est refuser de subventionner avec de l’argent public les entreprises qui, méprisant la solidarité nationale, versent des dividendes à leurs actionnaires.

C’est, en matière sociale, abolir toutes les contres réformes : celle détruisant notre système solidaire de retraites, celle dynamitant l’assurance chômage ou encore celle réduisant les aides au logement.

C’est enfin, et surtout, un État qui débloque immédiatement un fonds d’urgence conséquent pour pérenniser et amplifier la solidarité que les collectivités territoriales sont les seules à garantir. Nombreuses sont les mesures déjà prises par des collectivités, qui demandent à être développées dans tous les territoires populaires franciliens, en lien avec les initiatives associatives et citoyennes. Les communes et les départements sont en première ligne pour pallier les défaillances et l’impréparation de l’État. A tel point que quand une collectivité distribue des masques, cette mesure de bon sens est vue comme un miracle. Protéger les populations et singulièrement les plus fragiles nécessite des moyens exceptionnels.

Demain, pour l’après, il faudra pour protéger encore celles et ceux qui parmi les nôtres sont les plus fragiles, refuser la cure d’austérité annoncée, et imposer une fiscalité redistributive.

La Région Ile-de-France doit être un acteur majeur d’une action publique renforcée, et un bouclier social pour ses habitants. Mais rien ne se fera sans une mobilisation plus déterminée de l’État.

« Saisir les initiatives solidaires prises aujourd’hui pour les développer demain, partout, et retrouver le chemin de l’égalité sociale »

Agir c’est donc aussi, au-delà des réponses d’urgence, penser l’avenir. C’est faire en sorte qu’aux inégalités, cessent de s’en ajouter perpétuellement de nouvelles. Nombreuses sont les forces conservatrices qui souhaiteraient que le fameux « jour d’après » ressemble aux jours d’avant en pire.

Les crises actuelles, dont les habitant·e·s des quartiers populaires paient une fois encore un prix exorbitant, doivent sonner la fin des faux-semblants et du déni politique sur la situation profondément inégalitaire de ces quartiers.

Discourir, organiser des coups de com’ selon l’actualité du moment, injecter quelques milliers d’euros en fonction d’agendas opportunistes ne saurait se substituer à des politiques publiques conséquentes, à court et long terme, dans ces territoires. Depuis les États généraux des quartiers populaires tenus à Grigny en 2017, les espoirs ont toujours été déçus tant par le Président Macron, que par la Présidente de Région Valérie Pécresse, qui n’a jamais traité ces quartiers autrement qu’avec mépris. Nous avions pourtant proposé, en octobre 2017, un grand plan d’action pour ces quartiers en Ile-de-France, incluant de nombreuses mesures en matière d’accès à la santé, au logement, à l’éducation, aux transports, à l’emploi ou à la culture. Toutes ces propositions sont restées lettre morte ; la droite préférant regarder ailleurs, et réduire la vie de ces quartiers au sempiternel discours sur “l’assistanat” et le “deal”. Ces provocations irresponsables et stigmatisantes doivent cesser. Les quartiers populaires, que le président de la République a cités lors de son allocution du 13 avril dernier, n’ont pas besoin de mots condescendants mais de mesures concrètes, comme celles que nous proposons.

Les pouvoirs publics doivent se saisir des initiatives solidaires prises aujourd’hui pour développer demain, partout, de nouvelles solidarités. La puissance publique doit assurer la continuité des moyens d’existence pour les habitants des quartiers populaires. Cela ne peut que passer par un plan de rattrapage massif pour retrouver une puissance des services publics de la santé, de l’éducation, du social, de l’écologie, de l’alimentation, des transports dans des territoires délaissés et durement éprouvés par la pandémie.

Seules des politiques publiques nationales et locales fortes sont à même de protéger les habitants en planifiant les investissements et en prenant en compte l’urgence sociale et environnementale.

Il faut tourner la page, rompre avec le libéralisme pour retrouver le chemin de l’égalité sociale. Abroger les réformes de casse sociale des derniers mois et des dernières années. Repenser et rebâtir un État-providence est le moyen pour engager la transformation sociale et écologique indispensable pour toutes et tous. Cela devrait être la feuille de route pour toutes les forces politiques et citoyennes qui veulent sortir de cette crise avec une perspective de progrès. C’est celle que nous voulons porter en Ile-de-France.

 

Les élu·e·s du groupe Front de gauche du Conseil régional d’Île-de-France.


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